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La Mauritanie est un état récent, aux frontières parfois tracées à la règle. Il a cependant une spécificité culturelle et fait aujourd’hui partie du monde arabo-musulman. On expliquera comment c’est constitué cette identité culturelle en étudiant l’Histoire des échanges avec un monde musulman alors naissant, en s’intéressant d’abord au commerce et au phénomène d’islamisation, puis à l’arabisation du pays et enfin au rôle qu’a joué l’arrivée des Européens dans la constitution de l’Etat Mauritanien.

 

 

I Peuplement du Sahara Occidental et commerce transsaharien

 

1)              Origine des populations

Il semble que cette partie du Sahara soit occupée depuis longtemps par l’Homme. De nombreux vestiges, notamment des peintures rupestres, attestent de la présence humaine dés le néolithique, alors que le climat était plus humide qu’aujourd’hui (avec un maximum d’humidité vers –9000/-6000 av. JC.). Qui sont les premiers Mauritaniens ? Il s’agit certainement en premier lieu de populations noires venues du Sud, qui pour une partie d’entre-elles étaient sédentaires. Il existait une civilisation de chasseurs-pêcheurs alors que de grands lacs fournissaient du poisson et permettaient le développement d’une faune abondante (antilopes, girafes, éléphants etc.). Ces populations pourraient être les ancêtres des Soninkés présents en Mauritanie et au Mali. Leur nombre n’a cessé de diminuer au fur et à mesure que le climat devenait plus aride, il ont souvent migré vers le Sud.

Un autre peuple, dont l’origine reste mystérieuse, est aussi présent dés l’Antiquité : les Peuls. Il s’agit de pasteurs et non de sédentaires, ils sont certainement venu de l’Est, pour s’installer au Sud du Sahara, au Sahel. Actuellement les Toucouleurs parlent la langue des Peuls, ils se réclament de ces derniers en tant que Halpoularens (« ceux qui parlent le poular (langue des Peuls) »). Ils sont considérés comme différents des Peuls à part entière (Qu’est-ce qu’un Peul à part entière ?!?) par les ethnologues, ils sont en effet fortement métissés.

Le troisième groupe, qui a depuis l’Antiquité été majoritaire, est celui des ancêtres des Berbères. Ils ont laissé de nombreuses traces, comme les Tifinaghs, caractères en langue berbère. Ces hommes blancs ont eux aussi des origines très mal connues. Ils viennent du Nord vers le premier millénaire av. JC. Des gravures de l’époque suggèrent qu’il existait des routes parcourues par des chars tirés par des chevaux et parfois des bœufs. S’agit-il des premières routes transsahariennes ? La question reste sans réponse, car il apparaît très difficile de traverser ergs et regs avec de tels embarcations. Ces blancs, aux origines troubles  (S’agit-il des Garamantes que décrit Strabon au 1er siècle av. JC ?) vont importer le chameau à partir du IIIème siècle, ce qui rendra bien plus facile la vie de ces pasteurs nomades dans le désert.

 

2)     Une zone charnière entre deux influences

L’Histoire s’éclaircit progressivement pour nous à partir du VIIIème siècle. Une grande partie du Sahara occidental est alors sous la domination de l’empire du Ghana, qui exerce son influence dans le Sahel sur le delta intérieur du Niger et dans la haute vallée du Sénégal du VIIIème au XIIIème siècle. La capitale, Ghana, l’actuelle Koumbi-Saleh, est située au Sud-Est de l’actuel territoire mauritanien. L’empire est prospère et bénéficie des nombreux gisements d’or de Guinée qu’il contrôle. Le commerce y est important et bien organisé, mais il n’y a pas de contact avec le nord du Sahara.

Dans le Maghreb une partie des berbères a été soumise par les conquérants arabes au début du VIIIeme siècle. Le Maghreb et l’Espagne musulmane se constituent politiquement et on assiste à la naissance d’entités indépendantes de l’empire de Bagdad. La région est dynamique, les berbères participent à de nombreux raids, notamment sur le continent européen. Plusieurs villes importante sont fondées. Sidjilmassa, dans le Sous, région du sud de l’Atlas, jouera plus tard un rôle important.

En 734, Habib ben Abi Ubaida fait le premier une incursion au « Bilad es Sudan » (Pays des noirs, ou Soudan) en partant de Sidjilmassa . L’historien arabe Ibn abd Al-Hakam dira plus tard qu’il « s’empara d’une quantité d’or considérable ».

 

3)     La naissance du commerce transsaharien

Les premières incursions arabes au Sahara occidental avaient un but de conquête et d’islamisation. Si ces incursions n’établirent aucune domination elles permirent cependant, après un accord conclu avec les Sanhadjas, fédération de différentes tribus berbères, de faire pénétrer plus au Sud l’Islam, et d’apprendre l’existence du riche et puissant empire du Ghana.

Pendant les VIIIèmes et IXèmes siècles, les expéditions se succèdent depuis Sidjilmassa jusqu’à Awdaghost, oasis qui semble déjà prospère. Avec l’avènement des Umayyades et des Fatimides d’Ifrikiya, la demande en or pour le monnayage se développe. Le commerce transsaharien devient régulier. Des caravanes partent du Sous chargées de cuivre, d’argent, de produits artisanaux et de verroteries jusqu’à Awdaghost où ils rencontrent les marchands noirs venus de Ghana. Ils en repartent avec un or de bonne qualité, ne nécessitant aucun affinage avant la frappe des dinars d’or. Cette route constitue le premier pont entre le pays des Noirs et le Maghreb. La ville d’awdaghost, d’abord peuplée de berbères sanhadjas, accueille de plus en plus de marchands venus du Nord et ainsi l’Islam commence réellement à s’implanter au sud du Sahara. Il faudra cependant attendre l’épisode des Almoravides pour assister à des actions missionaires.

 

 

II Naissance d’une entité musulmane, arabisation et naissance de la Mauritanie

 

1)     L’épopée Almoravide

La constitution d’un trafic régulier et important au Sahara occidental allait avoir des conséquences importantes chez les Sanhadjas. Ceux-ci contrôlaient le trajet, et la ville d’Awdaghost. Il devaient en tirer d’importantes ressources par le biais des taxes et des rezzous. Le commerce étant organisé par les Arabes du Nord, il n’est pas étonnant que les Zanatas (ou Zénétes), tribu berbère ennemi du Nord du Maroc, aient tentés de contrôler la route. Ils y parvinrent finalement quand, dominant déjà Sidjilmassa, ils s’emparèrent de Awdaghost.

Ainsi au XI ème  siècle les Sanhadjas sont totalement exclus du commerce transsaharien et la légende veut qu’ils soient dans la plus grande misère. C’est alors que va débuter la constitution du groupe Almoravide. Tout commence lorsque le chef de la principale tribu des Sanhadjas, de retour de la Mecque (preuve que la misère n’était peut-être pas aussi grande, les rezzous étant toujours possible), ramène un prédicateur sunnite. Les Sanhadjas vont alors s’unir et se faire les propagateurs d’une fois orthodoxe rigoureuse, selon le rite malékite. Ils s’attaquent d’abord à leurs ennemis traditionnels, les Zanatas, qui de plus sont chiites. Ils s’emparent rapidement de Sidjilmassa et Awdaghost est pillée en 1054.

Renouant avec la prospérité, ils deviennent de véritables missionnaires de la fois malékite et ils étendent rapidement leur domination sur le Maroc puis sur l’Espagne alors emprunte à l’anarchie. L’empire se scinde très vite en deux parties dirigées par deux hommes différents. Au Nord le Maroc et l’Espagne sont administrés depuis la nouvelle ville de Marrakech, alors que les régions plus au Sud sont mal connues. Si l’empire almoravide se désagrège rapidement au XIII ème siècle, il sera à l’origine d’une culture riche et originale. L’autorité des Sanhadjas au Sud est à l’origine de l’islamisation du royaume Peul du Tekrour (d’où le nom des Toucouleurs) et de la chute de l’empire du Ghana déjà converti à l’Islam. Les almoravides établissent de manière définitive l’Islam en Mauritanie.

 

2)     Arabisation

Pour la première fois avec les almoravides, l’actuelle Mauritanie était intégrée au monde arabe. Par ailleurs, le commerce se déplace plus à l’Est avec l’avènement des empires du Mali puis du Songhaï. Awdaghost est abandonnée au profit de la nouvelle cité de Oualata.

A partir du XIII ème mais surtout du XV ème siècle, l’arrivée des tribus arabes Hassan va achever l’arabisation du pays en modifiant considérablement la culture berbère préexistante. L’infiltration est progressive et les résistances sont fortes. Aux XVIII ème et XVIII eme siècle vont se fonder les émirats du Trarza, du Brakna, du Tagant, du Hodh et de l’Adrar. Il s’en suit des conflits incessants jusqu’au XIX eme entre les différentes tribus arabes et berbères.

Au delà des conflits, les arabes se sont mélangés à la population d’origine berbère ou noire, constituant au fil des siècles le groupe aujourd’hui majoritaire en Mauritanie, les Arabo-berbères ou Maures. La société maure a pris son originalité avec l’arrivée progressive des tribus Hassan auxquelles elle doit sa répartition en castes (même si le terme est impropre)et sa langue, le Hassaniya, dialecte parlé par les nouveaux arrivants. L’arabe écrit fait de gros progrès, notamment grâce au développement de tribus maraboutiques constitués d’anciennes tribus berbères vaincues. La ville de Chinguetti connaîtra aux XVII ème et XVIII ème siècles un développement considérable. Elle voit de grands scientifiques et religieux, sa bibliothèque est restée célèbre de nos jours. Véritable ville sainte, elle est le point de départ du pèlerinage vers La Mecque. Le pays tout entier est alors connu sous le nom de Chinguit. L’aire d’influence de Cuinguetti déterminera plus tard, avec l’arrivée des Européens, les frontières de la Mauritanie moderne.

 

3)     Les Européens et la colonisation

En 1442, les premiers navigateurs portugais découvrent le Cap Blanc et Arguin. Ils implantent un comptoir pour le commerce de l’or, des esclaves, ainsi que de la gomme arabique. Le commerce transsaharien est ainsi détourné au profit des Européens. Arguin est ensuite convoitée par les Anglais, les Hollandais, et les Français. En 1664, ces derniers y sont finalement établis. Le commerce se développe le long de la vallée du fleuve Sénégal, à partir de St-Louis. Les esclaves et la gomme arabique y sont les principales marchandises convoitées.

A partir du XIX ème siècle, le processus de colonisation débute. Installés au Sénégal, les Français profitent des conflits entre les émirats pour les soumettre et ainsi réaliser l’unité de l’Empire français entre l’Algérie et l’Afrique Occidentale Française. La lutte pour la possession du Maroc voisin est également un enjeux important qui s’ajoute à la volonté de pacifier la vallée du Sénégal, soumise aux rezzous des Maures.

En 1905, la Mauritanie devient territoire français et acquiert ainsi des frontières qu’elle n’avait jamais eu auparavant, étant avant tout une terre de nomades.

 

 

Conclusion

 

Le 28 novembre 1960 la Mauritanie atteignait sa forme actuelle. Pays du commerce, trait d’union entre monde arabe et Afrique noire, son histoire en a fait un pays arabe musulman à la culture originale. La colonisation lui a laissé une frontière, notion auparavant inexistante et qui représente un défi : la coexistence des Négro-africains et des Maures dans une même nation mauritanienne.

 

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