Mardi 10 août 1999, dernier jour du camp :
Même aujourd'hui nous travaillons,
bien que ce soit le dernier jour du camp. Cependant le dynamisme reste plutôt
absent et c'est très mollement que nous plantons entre 100 et 200 arbres et
continuons la barrière. Nous avons même droit à une petite rincée.
C'est toujours avec deux de
tension que nous rentrons au camp, mais dès que se présente le plat du jour :
le Tiou (riz au poulet avec plein d'oignons dans une sauce à la tomate) nous
recouvrons toute notre vitalité, tellement c'est bon ; et pour la première fois
du camp nous en redemandons. Sowarny
est flatté.
L'estomac lourd, nous préparons
les discours de fin de camp puis tapons un tarot. L'orage menaçant on plie vite
fait bien fait les affaires et la douche, puis on se rassemble au coin veillée.
Chacun son tour (Scouts de Rosso, Scouts de France et Thio-Chef du camp) lisons
notre discours. Voici présentement celui des Scouts de Rosso (texto) dont nous
apprécions tout particulièrement la métaphore des larmes :
"Mesdames, mesdemoiselles et
messieurs
Nous sommes très honorés d'avoir
le contact direct dans la vie dont nous savons que chacun est une partie d'un
peuple et que chaque peuple est une partie de l'humanité.
C'est pourquoi pour mieux
contribuer au développement du mouvement Scout cela mène à dire conte de deux
dialectes. Celle passant de nos chers Compagnons Français vers les Scouts de
Mauritanie et celle passant de nos chers Scouts Mauritaniens vers nos chers
Compagnons.
Qu'est-ce que cela signifie ou
identifie si elle ne modifie ?
Mesdames, mesdemoiselles et
messieurs, il est porté à votre connaissance que nous sommes très honorés de
votre séjour.
Chers Compagnons nous savons que
vous ne voulez pas nous voir tristes. Mais en fait nous pleurons parce que nos
larmes ne sont pas des larmes mais des vapeurs d'eau provenant de l'expiration
des fleurs de bonheur que vous avez plantées dans nos cœurs.
Chers amis nous souhaitons vivre
dans un esprit de compréhension, de tolérance et de fraternité.
Mesdames, mesdemoiselles et
messieurs
Nous profitons de cette occasion
pour lancer un appel à tous nos frères Scouts du monde entier en général et
français en particulier.
Chers frères et sœurs cependant
nous ne pouvons pas terminer sans avoir remercié Cheikh, Do, 2 Pac, Mox, Thio
et Mamadou et ses frères Scouts, et en particulier les Compagnons.
Frères et sœurs faisons main dans
la main pour faire de cet événement une date historique."
Les Scouts de Rosso : Aldjouma,
Aldjouma G., Badara, Badj, Benbal, Bocar, Cheikh H., Cheikh T., Cheikhna, Cuis'
(Cheikhna Amadou), Do, Ely-Cheikh, Gacko, Hamady, Mamoudou, Mody, Ousmane,
Papys, Samba, Sowarny, Thio et quelques Scouts de passage.
Quant au notre, il s'est présenté
sous la forme d'une chanson (sur l'air de "Le matou revient") :
Refrain : Et les toubabs s'en
vont, le cœur chantant
Fatigués mais contents, ils sont
toujours vivants
1/ Les habitants de PK 10 ont
beaucoup d'ennuis
Angoissés à l'idée de leurs
maisons ensevelies
Par le désert qui ne cesse
d'avancer
Et qu'il faudrait tenter
d'arrêter.
2/ Accompagnés des Scouts de Rosso
et de leur coordinateur Thio
Les Compagnons tentent de
s'installer
Pour mener à bien leur chantier
Motivés du matin jusqu'à la lune levée.
3/ Malgré des Touristas endiablées
Des chevaliers-scorpions, des
moustiques et des scarabées
Sans oublier la pluie qui n'a
cessé et la khaïma qui s'est effondrée
Nous resterons enthousiasmés par
ce séjour à vos côtés.
4/ De Thio le perroquet qui ne finit
pas d'en baver
En passant par Cheikhna et son
carrosse multifonction
Aux repas bien mijotés par notre
super cuisinier Sowarny et son apprenti "Sans-nez" mais non moins
expérimentés
Nous ne sommes pas prêts de vous
oublier.
5/ De Badou le rappeur basketteur,
des musiciens animateurs
Des routiers toujours levés du bon
pied
En passant par les éclaireurs
toujours de bonne humeur
Et les louveteaux et leurs
couteaux
Nous ne sommes pas prêts de vous
oublier.
On n'a pas pu récupérer le
discours de Thio, mais le bilan est positif : le Service de Protection de la
Nature est passé et a dénombré entre 1800 et 2000 Prosepis plantés, ainsi qu'un
millier de bâtons utilisés pour la barrière.
Je pense qu'on a de quoi être
satisfaits, et j'espère que les habitants de PK 10 auront à cœur de continuer
le chantier seuls pour tenter de sauver leur village, même s'ils restent
globalement fatalistes sur leur avenir. En tout cas sur la fin ils ont été plus
sympas et quelques-uns venaient nous aider à planter.
Au moment du départ, pour bien
finir le camp il se met à pleuvoir. Au deuxième voyage du carrosse de Cheikhna
(cf. photos à venir) nous rentrons à Satara, notre bidonville préféré qui nous
a tant manqué, et qui nous fait bien remarquer la fin malheureusement imminente
de notre projet.
Personnellement je n'ai jamais
regretté d'être ici, sauf peut-être à l'instant où j'étais aux toilettes à
Boghé avec une diarrhée, une envie de vomir et une horde de cafards grouillant
sous mes pieds. Les huit jours du chantier se sont bien passés ; ça a été un
peu court mais on en a bien profité, au point qu'excepté nos envies
gastronomiques (crozets, fromages, légumes, croûtes au beaufort….) et la
chaleur nous arrivions à "oublier" que nous étions en Afrique, mais
presque dans un camp Scout dans des dunes françaises. Cela prouve quand même
que nous nous y sentions à l'aise pour la plupart, et que nous ne sommes pas
dégoûtés de l'Afrique. A quand la prochaine ?
En attendant nous préparons des
pâtes à la française chez Assia que nous mangeons après avoir fait plusieurs
parties de tarot dans la catégorie "Je garde et je foire" (avec 30
points maximum à la clé).
Des Scouts nous rejoignent ensuite
; Bocar le théificateur nous fait partager son don, et après quelques
discussions et échanges d'adresses nous installons les moustiquaires et nous
nous endormons en faisant croire aux Guides qu'il est trois heures du matin.
Pour une fois, notre nuit à Satara-Témélec ne fut pas encombrée de braiments
d'ânes ou de chèvres, et nous ne regrettons absolument pas les charmantes
bébêtes de PK 10 déjà énumérées…
Manue